Autorité
Par Manon Hospitalier, Manon Lacroix et Linda Mebrak (mai 2024)
L'étymologie du mot autorité (du latin auctoritas, dérivé du verbe augere) signifie « croître, augmenter » et désigne la capacité de créer, de faire grandir (Admin & Diderot, 2021). Selon le CNRTL, l’autorité désigne le pouvoir d’agir sur autrui, c’est-à-dire « l’autorité de l’homme sur l’homme » (Proudhon, 1840). Dans un environnement éducatif, cette figure d’autorité est incarnée par les adultes tels que les professeur.e.s, les conseiller.e.s principaux d’éducation, les assistant.e.s d’éducation, les proviseur.e.s, etc. Dans le milieu scolaire, l’autorité est un instrument de disciplinarisation. En France, c’est une histoire politique et philosophique de la conception de l’ordre social qui renvoie à une conception matérialiste de l’autorité dont le système éducatif s’empare.
L’autorité est d’ailleurs un impératif de l’apprentissage et des philosophes comme Jean-Jacques Rousseau ont développé l’idée de frustration nécessaire à l’équilibre de l’enfant et pour Mélanie Klein, la maturité vient avec la maîtrise des frustrations pour une bonne intégration sociale (Abid & Abid, 2019).
Au cinéma, l’on distingue les trois figures d’autorité de Lippitt et White :
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l’autorité autocratique ou autoritaire,
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l’autorité démocratique ou participative et enfin
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l’autorité permissive ou « laissez-faire » (Reynaud, 2007).
L’autorité autocratique représente une figure prenant les décisions seule en restant à l’écart de la vie du groupe, ne prenant pas en considération les demandes des élèves et ayant pour seul objectif d’imposer des connaissances. Cette autorité verse dans le répressif et l’élève ressent une certaine rigidité de la part de l’enseignant.e avec laequel.e le dialogue est quasiment nul au vu des risques de rétorsion (Abid & Abid, 2019b).
Particulièrement présente dans les films versant sur des modèles obsolètes et caricaturaux des maîtres autoritaires comme dans Les 400 coups (François Truffaut, 1959) dans lequel le professeur adopte une démarche répressive, avec des méthodes verbalement et physiquement violentes, ne se souciant que très peu du bien être de ses élèves. Dans la bande annonce ci-contre, nous découvrons le professeur adoptant une position dominante, en surplombant depuis l’estrade les élèves, prompt à recourir à l’humiliation.
L'autorité démocratique et participative à l'école implique un mode de gouvernance où les décisions importantes sont prises collectivement et en collaboration active avec les membres de la communauté éducative (les élèves, les enseignants, le personnel et les parents). Les élèves peuvent participer à la prise de décisions sur des questions telles que les règles scolaires, les activités extra-scolaires ou les projets pédagogiques (Maria Pagoni, 2009). De plus, dans ce type d'autorité démocratique ou participative, les décisions résultent des discussions provoquées par l’enseignant.e mais tiennent compte de l’avis du groupe.
Dans Les grands esprits (Olivier Ayache-Vidal, 2017), le professeur de lettres François Foucault est contraint d’adapter son autorité en se retrouvant enseignant dans un collège classé réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP+). Sa posture évolue d’une posture autoritaire, détachée et incompréhensive à une posture plus démocratique. Il devient avec le temps un professeur à l’écoute des réalités et des besoins de ses élèves tout en se faisant respecter, en ne passant plus par l’autocratie mais par l’échange avec l’élève.
Autorité permissive ou « laissez faire » à l’école implique un modèle basé sur la coopération, sur l’empathie et sur la bienveillance (Reynaud, 2007). Ce type d’autorité se manifeste lorsque l’enseignant.e établit clairement les objectifs éducatifs et les ressources disponibles mais adopte ensuite un « comportement passif » dans les gestion du groupe. Dans ce modèle, les élèves bénéficient d’une liberté totale dans la prise de décisions. Le.la professeur.e ne dicte pas de manière stricte les étapes à suivre, laissant aux élèves la responsabilité de structurer leur propre expérience éducative.
Dans le film Matilda (Danny DeVito, 1996), le personnage de Mlle Honey incarne une forme d’autorité permissive au sein de l’école. En tant qu’enseignante dévouée et compatissante, elle établit un lien émotionnel avec ses élèves. Son autorité repose sur l’empathie, la confiance et la promotion de l’indépendance intellectuelle. Dans cet extrait ci-contre, Mlle Honey s’assoit pour faire cours, en choisissant de se mettre à la hauteur de ses élèves physiquement. Elle symbolise son désir de se placer à leur niveau intellectuel et émotionnel. Cette posture démontre son intention de créer une relation éducative égalitaire plutôt qu’une relation verticale, de domination. Le fait qu’elle annonce tout ce qu’elle va faire et qu’elle précise les objectifs suggère une totale transparence, permettant aux élèves de se sentir en sécurité et de comprendre clairement les attentes de leur enseignante.
La manière dont est représentée l’autorité des professeur.e.s dans le cinéma évolue avec les formes que l'autorité prend en société. Les professeurs représentés dans les débuts du cinéma sont presque exclusivement des hommes et adoptent une autorité ferme et répressive. Cette forme d’autorité apparaît encore dans les films plus récents et souvent de manière à montrer le contre-exemple face à d’autres enseignant.e.s plus démocratiques, davantage dans l’écoute et la compréhension de l’élève. Cette dichotomie est par exemple présente dans le film Les choristes (Christophe Barratier, 2004) où l’on retrouve l’opposition entre un directeur stricte et rigide et un surveillant dont la gentillesse, l’humour et le dévouement notamment dans la section « chorale » semble intéresser les élèves et les inciter à un comportement plus exemplaire. Les représentations éducatives au cinéma ne s'attardent plus aux relations verticales entre le.a professeur.e et l’élève mais bien à représenter des formes d’autorité pleinement horizontales. L’élève n’est plus le seul apprenant, le.a professeur.e apprend aussi de son élève.
De nombreux films récents représentant l’enseignement dans des zones difficiles montrent que le.a professeur.e doit s’adapter à son public et que l’autoritarisme n’est pas la clé pour obtenir réussite et confiance des élèves. Des films de plusieurs origines différentes ont voulu montrer cette adaptation du / de la professeur.e vis-à-vis de ses élèves: Écrire pour exister (Richard LaGravenese, 2007), Les grands esprits (Olivier Ayache-Vidal, 2017) ou encore Detachment (Tony Kaye, 2011). Dans ces films, les professeur.e.s pensent d’abord que maintenir une posture verticale sera la clé du respect or ils découvrent au fur et à mesure que la démocratisation de leur enseignement est plus efficace. Ils se retrouvent généralement seul.e à lutter contre des collègues à bout ayant opté pour l’abus de pouvoir ou pour l’abandon total des élèves.
Les plateformes de diffusion cinématographique ont souvent tendance à perpétuer les stéréotypes des modèles traditionnels d'autorité éducative. Cependant, dans un contexte où la désobéissance épistémique (Walter Mignolo, 2010) devient un enjeu crucial pour notre survie, il est impératif de remettre en question ces représentations et d’encourager des formes d’autorité autres, plus démocratiques, participatives et égalitaires.
C’est le cas par exemple dans la série espagnole La Casa de papel (Álex Pina, 2017) avec « el profesor », figure qui depuis son « autorité » symbolise la capacité des esprits critiques à remettre en question des formes d'injustice sociale. Cette série a stimulé la réflexion sur l'autorité judiciaire et bancaire confronté à celle d'un professeur.
Filmographie
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Ayache-Vidal, O. (Réalisateur). (2017). Les grands esprits [Film]. Somrebro Films.
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DeVito, D. (Réalisateur). (1996). Matilda [Film]. TriStar Pictures & Jersey Films.
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Kaye, T. (Réalisateur). (2011). Detachment [Film]. Kingsgate Films .
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Lagravenese, R. (Réalisateur). (2007). Freedom Writers [Ecrire pour exister] [Film]. [Film] MTV Films, Jersey Films & 2S Films.
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Truffaut, F. (Réalisateur). (1959). Les Quatre Cents Coups [Film]. Cocinor.
Références bibliographiques
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Abid, W., & Abid, W. (2019a, juillet 28). Pourquoi et comment exercer une autorité pédagogique ? Institutrice.com. https://institutrice.com/pourquoi-et-comment-exercer-une-autorite-pedagogique/
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Admin, & Diderot, A. (2021, 23 mai). L’École après l’école. Académie Diderot. https://www.academiediderot.com/post/education-instruction-autorit%C3%A9#:~:text=Buisson%2C%201911
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Foray, P. (2009). Trois formes de l’autorité scolaire. Le Télémaque, n° 35(1), 73‑86. https://doi.org/10.3917/tele.035.0073
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Pagoni, M. (2009). La participation des élèves en questions: Travaux de recherche en France et en Europe. Carrefours de l'éducation, 28, 123-149. https://doi.org/10.3917/cdle.028.0123
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Reynaud, C. (2007). Trois types d’autorité pour trois modes de relation pédagogique. Tréma, 27, 69‑80. https://doi.org/10.4000/trema.516
L'autorité autocratique du maitre dans Les 400 coups (François Truffaut, 1959)
Les grands esprits (Olivier Ayache-Vidal, 2017)
Les grands esprits (Olivier Ayache-Vidal, 2017)
Ressources didactiques pour comprendre .... échanger et agir !
Dr Bruno Robbes sur l'autorité
"L’autorité éducative, la construire et l’exercer"
Fiche de lecture de Bruno Robbes
sur le site de l'Académie de Versailles