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Caméra subjective

Par Manon Bolzer (mai 2022)

Au cinéma, on distingue les vues dites en caméra objective, des vues dites en caméra subjective. Le principe de la caméra subjective repose sur une manière de filmer une scène en positionnant la caméra comme sujet de l’action, c’est-à-dire que le point de vue offert par la caméra correspond à celui d’un personnage de la scène, faisant ainsi prévaloir l'une des subjectivités au travers du cadrage. On est, donc, en présence d'une " caméra subjective " :

il y a « caméra subjective » : […] lorsque l’image enregistrée sur la pellicule ou le support numérique instaure un code esthétique qui se rapproche de ce qui impressionne la rétine d’un personnage de fiction (Tité, 2011, p. 8) 

Ce procédé a été utilisé pour la première fois en 1900 par le cinéaste George Albert Smith. Dans son film Grandma’s Reading Glass (1910), le réalisateur britannique permet au spectateur d’emprunter le regard du personnage du petit-fils lorsqu’il regarde au travers de la loupe de sa grand-mère.

 

La technique de la caméra subjective permet d’exprimer un point de vue au travers de différents mouvements de la caméra. Elle est très souvent effectuée caméra à l'épaule, ou avec une steadicam, afin d'obtenir des travelings qui correspondent à ceux du personnage et à ce qu'iel voit en se déplaçant.

 

Grâce à des plans subjectifs, où le point de vue de la caméra devient celui d’un personnage, on peut mieux rentrer dans leur psychologie. Le spectateur a en effet la sensation de partager la perception visuelle du personnage et ainsi d’adopter le point de vue d'une personne, comme s'il voyait à travers ses yeux. Cette technique est ainsi idéale pour permettre aux spectateurs de s'identifier aux personnages et donc de se sentir plus impliqué dans la trame du film.

 

On parle aussi de caméra subjective à propos de plans qui traduisent l'état physique ou mental d'un personnage. C’est à dire qu’on n’observe pas uniquement purement ce qu’il voit, mais on a aussi la perception du fruit de son imagination comme par exemple lors un rêve.

 

Cette implication émotionnelle peut en revanche aussi être négative et pesante pour le spectateur car la caméra subjective peut également être utilisée pour créer des émotions ou venir renforcer une ambiance menaçante. Grâce à cette technique, le réalisateur peut aussi faire le choix de stimuler une identification à des personnages malveillants ou au contraire à des victimes, ce qui affecte nécessairement la réception du spectateur qui se sent " dans la peau " d’un personnage négatif. 

 

On peut retrouver la technique de la caméra subjective dans différents types de supports filmés, comme par exemple les vidéos de publicité. Le spectateur est ainsi placé en plein cœur de l’action, on peut notamment imaginer que la caméra montre un volant de voiture avec des mains dessus et le paysage de la route qui défile, le spectateur a donc la vision de la personne qui conduit la voiture. L’interêt de cette technique est que le spectateur a le sentiment de faire parti de la scène, comme on peut aussi le chercher dans les jeux vidéos ou bien dans la pornographie.

La caméra subjective est évidemment aussi utilisée dans certaines scènes de films ou de séries. Par exemple, dans le film True Crime (Eastwood, 1999), on a l’impression d’être dans la voiture à la place de Michelle Ziegler au moment du crash lorsqu' elle est projetée sous un camion dans le fameux virage de la mort, ce qui choque d’autant plus le spectateur qu'il est littéralement situé sur le siège de la mort. La notion de " personnage-cadreur " (Tité, 2011, p. 87) déploie un point de vue subjectif particulièrement engagé. 

Ce point de vue à la première personne est également utilisé dans Titanic (Cameron, 1997) lorsqu'au début du film un des scientifiques observe l’épave du paquebot. Ce plan subjectif permet au spectateur de se substituer pour quelques instants au personnage en ayant sa vision. L’image est d’ailleurs habillée en conséquence pour qu’on ait l’impression de voir au travers d’un périscope. L'effet est d'autant plus appuyé qu’on peut percevoir les mouvements du cameraman comme s’ils étaient ceux du personnage, rendant d’autant plus crédible la vision subjective.

 

Enfin, dans le film Lady in the Lake de 1947, Robert Montgomery a décidé de filmer l’intégralité de son film en caméra subjective. En tant que spectateur, on a ainsi le sentiment d’être dans la peau du personnage principal, le détective Philip Marlowe. On entend uniquement sa voix et on observe tout à travers ses yeux pendant la totalité du film. Les acteurs s'adressent d’ailleurs directement à la caméra, en regardant le détective dans les yeux, c'est-à-dire ceux du spectateur. 

La caméra subjective (" SubCam ") a aussi été une technique utilisée pour l'étude des représentations en contexte (Lahlou, 1998), comme " outil analytique ethnographique " (Mandel, 2016). Elle a donné lieu en France à une thèse (Mandel 2015) et des travaux montrant que la " caméra subjective " est un outil d'analyse " en profondeur d'un processus intergénérationnel, interculturel, lié à des relations clients-fournisseurs, à des relations hiérarchiques, etc. " (Mandel, 2016, p. 87) . SI:

En permettant au chercheur, au lecteur et aux acteurs de se couler même a posteriori dans la peau d’un autre, cette narration favorise l’intercompréhension et la résolution de divergences de points de vue. (Mandel, 2016, p.87)

 

alors nous pourrions envisager la caméra subjective sur le plan pédagogique comme un dispositif susceptible d'éveiller de l'empathie.

Grandma's Reading Glass - George Albert Smith - 1900

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Filmographie :
  • Smith, G. A. (Réalisateur). (1900). Grandma's Reading Glass [Film]. Lilies Films. G.A.Smith. 

  • Eastwood, C. (Réalisateur). (1999). True Crime [Jugé coupable] [Film]. Malpaso Productions & The Zanuck Company. 

  • Cameron, J. (Réalisateur). (1997).Titanic [Film]. Paramount Pictures, 20th Century Fox & Lighstorm Entertainment.

  • Montgomery, R. (Réalisateur). (1943). Lady in the Lake [Film]. Metro-Goldwyn-Mayer.

Références bibliographiques :

Bande-annonce de True Crime [Jugé coupable] (Eastwood,  1999)

Scène d'ouverture de Titanic (Cameron,  1997)

Bande-annonce de Lady in the Lake (Montgomery,  1943)

Ressources didactiques pour comprendre ....             et faire faire !

Le plan subjectif - Les leçons de cinéma (2020)

Comment filmer en caméra subjective? (2021)

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