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Regard oppositionnel

Références filmographiques
  • Dash, J. (1982). (Réalisatrice). Illusions  [Film]. Julie Dash.

  • Sciamma, (Réalisatrice). Bande de filles [Film]. Hold Up Films, Lilies Films & Arte France Cinéma.

  • Whitake, F. (Réalisateur). (2004) First daughter [La fille du président] [Film]. Regency Enterprises, New Regency & Davis Entertainment.

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Références bibliographiques
  • hooks b. (1992) Black looks : Race and representation. South End Press. URL: chrome-extension://efaidnbmnnnibpcajpcglclefindmkaj/https://aboutabicycle.files.wordpress.com/2012/05/bell-hooks-black-looks-race-and-representation.pdf

  • hooks b. (date), « The oppositional Gaze". 

  • Jacobs, C.E. (2016). Developing the “Oppositional Gaze”: Using Critical Media Pedagogy and Black Feminist Thought to Promote Black Girls’ Identity Development. The Journal of Negro Education. Why We Can’t Wait: (Re)Examining the Opportunities and Challenges for Black Women and Girls in Education. 85.3. pp. 225-238. 

  • Maïga, A. et al(2018). Noire n'est pas mon métier. Éditions du Seuil.

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Photogramme de First Daughter (2004)

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Bande de filles, bande-annonce officielle

Par Basharat MIAH (mai 2022)

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« The oppositionnel gaze”, qui signifie le « regard oppositionnel” en français est une locution proposée par la militante sociale bell hooks dans son essai Black Looks : Race and Representation, écrit en 1992.

hooks définit le « gaze », le regard, comme un moyen de résistance pour les noirs colonisés partout dans le monde car l’on apprend, dit-elle, à regarder d’une certaine manière pour résister (p.116). « The oppositional gaze » est, selon hooks, le pouvoir de regarder, et plus exactement une transgression contre la répression du droit au regard imposée aux personnes noires par les blancs aux Etats-Unis d’Amérique.

Dans son essai, bell hooks renvoie à un contexte historique important. En effet, l’interdiction de regarder, dit-elle, était imposée pour opprimer les esclaves. Dans un tel environnement, tout désir de voir ou de regarder, devenait alors un désir rebelle. bell hooks critique donc la théorie prétendue féministe du cinéma dans laquelle, néanmoins, la représentation de la femme noire fait défaut.

Malgré une histoire d'oppression, bell hooks revendique fortement le droit que les femmes noires ont de regarder et d’observer. C’est cette répression qui a entraîné le désir rebelle de regarder, et ce qu’elle nomma « The oppositional gaze », un regard adverse donc, insubordonné parce que désobéissant à un interdit. Un regard opposé à la cécité attendue et qu’elle explique  ainsi: « All attempts to repress our/black people’s right to gaze had produced in us an overwhelming longing to look, a rebellious desire, an oppositional gaze. »

bell hooks y critique fortement la représentation des femmes noires au cinéma où elles se sont particulièrement « effacées » et parle de « violent erasure », p. 119). Même lorsque les femmes noires ont commencé à être projetées à l’écran, elles étaient là pour finalement améliorer et soutenir le personnage incarnant la féminité blanche.

Ceci est mis en scène et rappelé dans le film First Daughter (2004) [La fille du président], réalisé par Forest Whitaker. La protagoniste de l’histoire est Samantha MacKenzie, la fille du président qui fait son entrée à l’université où elle sympathise avec Mia Thompson, une jeune étudiante noire. Samantha gagne très vite en popularité sous le regard de Mia, attisant sa jalousie. Nous pouvons en observer une scène excplicite [00:47:50 jusqu'à 00:49:00]. Mia “accuse” Samantha d’être “génétiquement célèbre”, chose qu’elle ne supporte pas.

De nos jours, aux États-Unis, les actrices noires dénoncent à l’écran le sort qui leur y avait été réservé. Ainsi, certaines femmes noires ont décidé de boycotter le cinéma comme le dit bell hooks “Some of us chose to stop looking was a gesture of resistance, turning away was one way to protest, to reject negation.”

Bell hooks revient sur Illusions (1982) de Julia Dash sorti en 1982 et qui donne accède aux spectactrices noires à des représentations qui chamboulent les stéréotypes habituels sur la femme noire. Il s’agit d’un court métrage qui dépeint la vie d’une Afro-américaine qui se fait passer pour une femme blanche travaillant dans l’industrie du film durant les années 40. Ce film rappelle le manque d’attention des femmes Afro-américaines dans l’industrie du film durant cette période.

Charlotte E. Jacobs insiste fortement sur l’importance et le pouvoir que le terme “The oppositional gaze” détient pour les femmes noires qui ont toujours le rôle de “l’autre”, comme le montre le personnage de Mia Sheridan dans First daughter, : “Developing an oppositional gaze is especially important for adolescent  Black girls who continue to grow up in an environment in which Black girls and women are continually relegated to the role of “Other” (Page 225).

En France, les actrices noires revendiquent leur place aux femmes noires dans les films. Nous retrouvons ainsi dans l’essai collectif intitulé Noire n’est pas mon métier, initié par l’actrice Aïssa Maïga des témoignages de seize comédiennes françaises noires et métisses : “Notre présence dans les films français est encore trop souvent due à la nécessité incontournable ou anecdotique d’avoir un personnage noir.”(page 4)

La comédienne Assa Sylla fait part de son expérience suite au film Bande de fille (Sciamma, 2014), dans lequel elle incarne le rôle de Lady, un des personnage principaux. Elle explique les ambitions de la réalisatrice ainsi :

“La réalisatrice Céline Sciamma nous a expliqué qu’elle était troublée de croiser partout, dans le métro, dans les rues, des jeunes femmes noires qu’elle ne voyait jamais au cinéma, et dont on ne racontait jamais les histoires. C’est ce qui lui a donné l’impulsion de ce film.” ((Maïga et al, 2018, page 49)

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Ce film éveille ainsi l’espoir des jeunes filles noires : 

"Bien sûr, bien souvent, les rôles restent stéréotypés, il y a encore beaucoup à faire, il faut se bagarrer pour ne pas se retrouver piégées, enfermées dans des clichés, c’est vrai, mais la stigmatisation s’estompe. Oui, noire, en France, on peut devenir actrice.” (Maïga et al, 2018, p. 50)

 

bell hooks laisse une trace dans l'éducation critique aux médias et aux États-Unis (Jacobs 2016) dont héritent les actrices noires françaises. Son texte a également le mérite de rappeler certains films qui, tout en adhérant aux propos de Stuart Hall, viennent souligner que ce n’est pas en dehors de la représentation que ce joue l’identité mais bien dans celle(s)-ci (p. 131).

Key Term Video. Oppositional Gaze

Une histoire des cinéastes noirs américains #12 - Illusions (Julie Dash, 1982)

"Ce moyen-métrage montre avec une rage rentrée le combat que mènent dans un studio de Hollywood dirigé par des Blancs, une assistante de production métisse et une chanteuse noire qui souhaiterait qu’on lui propose un rôle au lieu de la cantonner au doublage d’actrices blanches. Sous son ton léger, le film fulmine." Cahiers du Cinéma n°738, novembre 2017

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Ressources didactiques 

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