Cinéma muet
Par Inès Mielle (mai 2024)
Le cinéma muet occupe une période cinématographique antérieure à l’avènement du sonore, à la fin du XIXème siècle, et se caractérise par l’absence de dialogue parlé, conduisant les cinéastes à développer des techniques innovantes de substitution. Pour accompagner les images visuelles, les films muets utilisent une musique orchestrale ainsi que des effets sonores, des bruitages ou des intertitres, reliant ainsi l'expression cinématographique à une narration visuelle, textuelle et musicale immersive. Les thèmes abordés dans les films muets reflétaient souvent les préoccupations et les idéaux sociaux de l'époque. Des sujets tels que la modernisation, l'urbanisation et les rapports de classe, de race et de genre, outre les tensions sociales occasionnées étaient explorés.
Au tournant du XXème siècle, le cinéma muet est apparu comme une véritable révolution visuelle qui a donné la voix à un cinéma encore en développement. Des inventeurs passionnés ont marqué les premières décennies, de Louise Guy Blaché et les frères Lumière à Thomas Edison qui ont inventé les premières caméras capables de capturer des images en mouvement.
Les premiers films étaient souvent documentaires et courts, capturant des images en mouvement, des saynètes de la vie quotidienne et des événements du monde réel. Cependant, la créativité de pionniers comme Georges Méliès a rapidement transformé le cinéma en un moyen narratif pour évoquer des mondes fantastiques avec des films comme Le Voyage dans la Lune (Georges Méliès 1902) ( HAKOUN).
Aux États-Unis, D.W. Griffith a introduit des techniques de narration plus complexes, marquant le début du cinéma narratif. Les acteurs et actrices sont apparus à l'écran, et l'utilisation d'intertitres a permis de transmettre dialogues et récits. Les expérimentations techniques, telles que la colorisation à la main, ont ajouté une dimension artistique au médium en évolution.
Le cinéma muet à atteint son apogée dans les années 1920 avec des réalisateurs devenus célébrissimes tels que Charlie Chaplin et Buster Keaton. Des films emblématiques comme La Ruée vers l'or (Charlie Chaplin, 1925) et The General (Buster Keaton, 1926) ont démontré la maîtrise de la comédie visuelle et de la narration sans dialogue. L’accent était mis sur l’expression visuelle avec des visages expressifs, des mouvements corporels élaborés et des décors soigneusement conçus pour transmettre les émotions et l’intrigue. Les cinéastes ont dû perfectionner l’art du montage pour raconter des histoires de manière fluide et captivante. De multiples penseurs et théoriciens ont contribué à l’évolution du cinéma muet : SergueÏ Eisenstein (1898/1948) avec le formalisme cinématographique qui consiste à mettre l’accent sur la forme plutôt que sur le fond pour transmettre des émotions et donner du sens, l'expressionnisme des réalisateurs tels que F.W. Murnau (1888-/1931) ont introduit des jeux d’ombres et des angles de caméra inhabituels pour illustrer l’intensité de certaines émotions; les débuts du cinéma muet ont proposé un langage cinématographique qui allait évoluer avec l'introduction du son, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle ère du cinéma.
Le déclin du cinéma muet a commencé avec l'avènement du cinéma parlant et notamment The Jazz Singer (Alan Crosland , 1927). Les films sonores ont gagné en popularité, mais certains réalisateurs, comme Charlie Chaplin, ont persisté dans l'utilisation du muet. Malgré cela, la majorité de l'industrie a évolué vers le parlant, mettant fin à une ère cinématographique avec ses codes propres avec ses codes propres.
Bien que le cinéma muet ait cédé la place au sonore, son héritage demeure. Les techniques visuelles développées pendant cette période inspirent t toujours les cinéastes contemporains, et des chefs-d'œuvre du muet continuent d'être redécouverts et célébrés pour l'ingéniosité de l’expression du cinéma burlesque notamment.
La contribution des femmes au cinéma muet : une reconnaissance tardive
Alice Guy-Blaché occupe une place remarquable dans l'histoire du cinéma muet en tant que l'une des premières réalisatrices,scénaristes et productrices de films qui lui vaut d'être reconnue aujourd’hui comme l'une des pionnières du cinéma. Elle a commencé sa carrière dans le cinéma à Paris en 1896 chez Gaumont, devenant ainsi l'une des premières femmes à diriger une société de production cinématographique. Elle a réalisé et produit plus de 1 000 films au cours de sa carrière, explorant divers genres et sujets. Elle a dirigé des comédies, des drames, des documentaires et même l'un des premiers films narratifs particulièrement connu La Fée aux Choux (1896). Alice Guy-Blaché a pu mettre en scène les rapports de domination entre les sexe et des personnages féminins forts pour explorer la condition féminine.Malheureusement, une partie importante du travail de Guy-Blaché a été perdu ou attribué à d'autres réalisateurs. Cependant, son héritage a été réévalué et permet aujourd’hui de mieux apprécier son influence sur l'histoire du cinéma (au moins deux références bibliographiques dont une américaine ici).
Certaines actrices du cinéma muet, telles que Mary Pickford et Lillian Gish, furent également des figures pionnières majeures. Elles ont joué des rôles centraux dans de nombreux films et ont contribué à l'évolution des techniques d'interprétation à l'écran. Les femmes du cinéma muet ont assumé une variété de rôles, des héroïnes romantiques aux personnages comiques, brisant parfois les stéréotypes de genre prédominant à l'époque. Clara Bow, par exemple, était célèbre pour ses rôles de “garçons manqués” (photo en annexe) , incarnant l'esprit libre des années 1920. Cependant, la représentation des femmes dans le cinéma muet était également influencée par les conventions sociales de l'époque. Les femmes étaient souvent associées à des rôles stéréotypés, mais certaines actrices ont réussi à transcender ces limites et à apporter des nuances à leurs personnages (Florian Fernandez, année? ). Les actrices du cinéma muet ont souvent été considérées comme des stars, avec une influence significative sur le public et l'industrie. Leur popularité a démontré que les femmes pouvaient être des figures centrales pleinement intégrées au monde du divertissement.
Rare furent les femmes qui ont exercé la réalisation dans le cinéma muet. Lotte Reiniger, réalisatrice allemande, est connue pour son travail dans l'animation avec des films comme Les Aventures du Prince Ahmed (1926), démontrant une créativité exceptionnelle avec une animation entièrement conçue en papier découpé. ( lien d’un extrait en annexe )
Bien que le cinéma muet ait reflété en partie les normes de genre de l'époque, il a également offert des opportunités pour les femmes de jouer des rôles variés et d'occuper des postes clés dans l'industrie cinématographique naissante.
Le Cinéma muet nous éclaire sur le 7ème art et son évolution car il met en valeur l’importance de l’expression visuelle et du rôle des acteurs pour représenter des histoires sans passer par la parole. Ces représentations illustrent donc les valeurs, défis et préoccupations sociales de l’époque en s’appuyant sur des éléments autres que ceux du langage, notamment l’expression corporelle, la gestuelle et l’usage des médias .
Bien que les films muets portant spécifiquement sur l'éducation soient relativement rares, certains abordent l’éducation sous différents angles:
The kid (Charlie Chaplin, 1921) explore l’éducation via la parentalité dans un contexte de pauvreté et de précarité sociale.
Zéro de conduite (Jean Vigo, 1932) qui est un film de transition entre le muet et le parlant, dépeint un pensionnat de province et la difficulté d’y enseigner. Il débute par une scène muette ou deux pensionnaires comparent de multiples gadgets qu’ils ont ramenés avec eux pour la rentrée des classes.
The Freshman ( Sam Taylor et Fred Newmeyer (réal, 1925) suit un étudiant de première année d’université et offre une satire comique des expériences éducatives et sociales des étudiants à cette époque.
Back to God’s Country (David Hartford, 1919) est également un film muet américain qui traite de la vie dans le Grand Nord canadien et d’un conflit autour d’une mine d’or. Bien que le sujet ne soit donc pas explicitement celui de l’éducation, certains éléments abordent des aspects de l’apprentissage. En effet, Dolores (personnage principal) doit apprendre à survivre, chasser, naviguer. Le film rend donc compte de l’éducation informelle d’une femme et de sa capacité à surmonter des difficultés dans un environnement isolé.
Globalement le cinéma muet nous permet d’extraire le thème de l’éducation d’une “histoire sociale” et nombreux sont les chercheurs et pédagogues qui s’interrogent aujourd’hui sur comment enseigner “par et avec le cinéma” qui “fait partie des arts qui existent dans l’école” (Rasoli, 2019). Pour Taillibert le cinéma est un socle conceptuel d’idéologie, de propagande et d’éducation (2021) et nous pouvons constater que cela est particulièrement marqué dans la période du cinéma muet.
Le cinéma muet est propice aussi aux pédagogies translittéraciques qui engage deux des trois cultures de l'information.
Filmographie :
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Références bibliographiques :
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