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Masculinité

La masculinité est un ensemble de qualités, de comportements et de rôles stéréotypés correspondant à une image sociale traditionnelle des garçons et des hommes. La masculinité  doit donc se distinguer du sexe biologique masculin si l’on s’en tient à l’approche de Marcela Lagarde, selon qui peut se distinguer le sexe social, psychique et biologique afin de mieux comprendre le genre en tant que catégorie bio-psycho-socio-économico-politico-culturelle (Lagarde, 1998).

 

Les études portant sur les masculinités définissent la masculinité comme ce que les hommes sont supposés être, c'est-à-dire les caractéristiques corporelles, les comportements et conduites, les manières d’agir et de penser que la société attend d'un individu considéré comme un homme dans celle-ci. La masculinité est en ce sens le sexe social. Ces attentes ne sont pas les mêmes pour tous selon les cultures et elles varient dans le temps. C'est pourquoi l’on préfère parler de masculinités au pluriel, afin d’insister sur le caractère évolutif, multiple et parfois contradictoire des modèles sociaux imposés, stabilisés ou émergeants. 

 

Le concept de masculinité évolue, en effet, dans le temps et selon les cultures. Au XIXe siècle l’exemple du dandy introduit un paradoxe de cette construction social. Le dandy était en effet considéré comme un type particulier de masculinité : « the dandy always comes into focus as a textual mark, one might say, of masculine identity under stress or revision » précise James Eli Adams (1995, 55) avec un paradoxe soulevé par David Taciuam entre ce que son costume et comportement affirmeaient comme masculinité qui par ailleurs se verrait infirmée (1998). Aujourd’hui, le dandy apparait plus aisément considéré comme efféminé selon les normes de masculinités actuelles, renforcées par des apparences plus « viriles » que nous héritons d’une masculinité en combativité comme projet civil avec des tentatives militaires et scolaires de renforcement de la virilité (Frevert 2000).

 

De même et selon les cultures, le genre exprime une conception du monde autant que des rapports entre les sexes. Les études sur les hommes et les masculinités conduites en Amérique continentale et en Europe ou en Afrique replacent ces modèles sociaux de masculinité dans le cadre des rapports de pouvoir et de domination liés au genre. Pour certains auteurs et autrices (Viveros Vigoya 2018) l’Amérique continentale a été plus marquée par une déconstruction historique située de ces rapports car « l’esclavage racial est la négation en acte de l’idée même d’un droit naturel » qui établit, selon Norman Ajari une « littérale équivalence de la naissance et de la mort sociale » (278), tel qu’il le démontre dans les colonies britanniques au Brésil.  Cette mort sociale de l’homme de couleur, qualifié comme celle de the man not (Curry 2017) aux Etats-Unis, est naturellement plus répandue dans les anciennes colonies et affiche des masculinités en conflit et dans des rapports de domination régulées par un patriarcat raciste de haute intensité et importé par des masculinités blanches racistes sur le continent américain (Segato 2021).

 

Par ailleurs, toute personne, indépendemment de son sexe biologique peut présenter des traits, qualités ou comportements dits « masculins ». Pour nombre d’auteurs, les masculinités sont le fruit d’un apprentissage social qui repose sur une soumission de la masculinité à une performance. Avant que Judith Butler n’envisage le genre comme performance sociale, Rita Laura Segato en immersion dans une communauté afro-brésilienne établissait déjà « l’invention de la nature » (2003) à partir d’un regard anthropologique voué à démasquer « le mandat de masculinité » au sein des sociétés patriarcales.

 

Aucun homme dans nos sociétés occidentales n’échappe au mandat de masculinité. Les hommes sont reconnus comme tels lorsqu’ils adoptent des comportements et des postures perçus « virils » aux yeux de la société. C’est d’ailleurs aux sociologues Kimmel et Messner (1989) que l’on doit le premier ouvrage portant sur les masculinités en tant qu’identités de genre construites socialement.

 

 

Il n’y a sans doute que peu de films au cinéma qui n’affrontent pas la représentation de la masculinités comme construction.  sociale (Pelo malo) ou scolaire, en France (Un vrai bonhomme) ou ailleurs comme à Cuba (Conducta), le territoire étant toujours au cœur des réclamations de toutes les masculinités. Dans le cadre scolaire, la scène de performance masculiniste arbore des espaces souvent ouverts, comme la cour (Mada educación) ou la rue, voir les terrains de socialisation comme le terrain de football (Carlitos  ou El retablo). La thématique ne se limite pas au cinéma de fiction et occupe désormais un espace dédié dans le genre documentaire (The Red Pill)

 

Delphine Joannin et Christine Mennesson distinguent plusieurs formes de masculinités souvent représentées au cinéma par ailleurs :

 

  • La masculinité hégémonique. Elle a été développée par la sociologue Connell qui la désigne comme étant « la configuration des pratiques de genre visant à assurer la perpétuation du patriarcat et la domination des hommes sur les femmes ». En effet, cette masculinité se caractérise par ce qui est qualifié de « qualités viriles » c’est-à-dire la violence, la bagarre, les jeux physiques, les défis, la force ainsi que les affrontements. Exemple : Conducta (Daranas, 2014) dans lequel l’école se pose comme édifice principal ou secondaire de l’élaboration et la construction sociale d’une masculinité responsable et où s’affronte un modèle patriarcal bureaucratique masculiniste au modèle matriciel du lien et de la valorisation de la responsabilité que propose sa « maestra ».

  • La masculinité distinctive. Il s’agit des hommes ne valorisant pas l’affrontement physique. Cela ne signifie pas l’absence de concurrence et de défis physiques entre hommes mais cela prend des formes différentes. Ils exercent une euphémisation de la violence et de la compétition. Exemple : Pelo Malo (Rondón, 2014). Le film Pelo Malo questionne à sa manière la notion de masculinité et fait la chronique d’une famille dans un pays altéré par la violence politique et sociale. Le personnage principal, Junior, cherche son identité en l’absence de repères masculins. Sa particularité est la volonté de se lisser constamment les cheveux. Seulement, sa mère n’est pas favorable à cette féminisation, dans une société où les normes ne cessent de revendiquer la virilité outrancière des hommes. Junior représente donc dans cette société une masculinité déviante, mettant en péril le rôle de mâle dominant que souhaite lui inculquer sa mère. Dans ce problème d’identification, Junior s’affronte constamment avec celle-ci, froide et distante, qui reporte sans cesse son affection vers le dernier et deuxième de ses deux enfants.

  • La masculinité marginale : Il s’agit des hommes ayant des goûts ludiques mais également proches de ceux observés chez la majorité des femmes. Les défenseurs de la masculinité hégémonique ne les considèrent pas comme des « vrais hommes ». Exemple : La mala educación (Almodovar, 2004) dans lequel les scènes de cour et de dortoir viennent nous rappeler les espaces d'homosocialisation dans l'Espagne franquiste.

 

Le XXIe siècle nous offre donc des représentations cinématographiques très variées. Elles ne se représentent d’ailleurs pas toutes de la même manière ni avec les même moyens techniques ou narratifs. La représentation de l’éducation au cinéma est l’une des productions les plus riches de la représentation des « masculinités en crise ». Pour autant, les systèmes éducatifs tardent eux à s’interroger sur la prévalence des modèles de masculinités rivales, belligérantes et ethnocentrées, malgré les menaces d’une ère dite anthropocène du fait même de l’existence de l’homme sur terre.

 

Filmographie

  • Almodovar, P. (Réalisateur). (2004). La mala educación [la mauvaise éducation] [Film]. Canal + España, El Deseo, Televisión Española.

  • Campion J. (Réalisatrice). (2021). The Power of the Dog [Film].  BBC Films.

  • del Cerro, J. (Réalisateur). (2008). Carlitos le but de ses rêves [Film].  Versátil Cinema et Antena 3 Films.

  • Daranas E. (Dir.). (2014). Conducta [Film]. Ministerio de Cultura, Instituto Cubano del Arte y la Industria Cinematográficos, RTV Comercial

  • Delgado Aparicio, A. (Dir.) (2017), Retablo [Film]. Siri Producciones, Catch of the Day Films (Summerhill Lights) & DHF

  • Jaye, C. (Réalisatrice). (2016). The Red Pill [Film]. Jaye Bird Productions.

  • Parent B. (Réalisateur). (2020). Un vrai bonhomme [Film]. Delante Productions, en coproduction avec Delante Films, France 2 Cinéma, Été 75 et Scope Pictures, en association avec les SOFICA Cinéventure 4 et Indéfilms 7

  • Rondón M. (Réalisatrice). (2014). Pelo Malo [Film]. Sudaca Films.

 

 

Références bibliographiques

 

  • Adams, J.E. (1995). Dandies and Desert Saints: Styles of Victorian Manhood. Cornell University Press.

  • Ayral S. & Raibaud Y. (2014). Pour en finir avec la fabrique des garçons, Maison des Sciences de l’Homme d’Aquitaine.

  • Brami E. & Billon-Spagnol, E. (2014). La déclaration des droits des garçons. Talents hauts.

  • Curry, T. J. (2017). The Man-Not : Race, Class, Genre, and the Dilemmas of Black Manhood, Philadephia : Temple University Press.

  • Frevert U., « L'armée, école de la masculinité. Le cas de l’Allemagne au XIXème siècle », Travail, genre et sociétés, 2000/1 (N° 3), p. 45-66. DOI : 10.3917/tgs.003.0045. URL : https://www.cairn.info/revue-travail-genre-et-societes-2000-1-page-45.htm

  • Jablonka I. (2019), Des hommes justes : du patriarcat aux nouvelles masculinités, Seuil.

  • Lagarde, M. (1998), « La multidimensionalidad de la categoría de género y del feminismo », in González, María Luisa (Coord). Metodología para los estudios de género, México, Instituto de Investigaciones Económicas / Universidad Nacional Autónoma de México, 48-71. Url : http://www.cubaenergia.cu/genero/teoria/t33.pdf

  • Sandeau J. (2017), « Les multiples masculinité de Ryan Gosling », Mise au Point.

  • Segato, R. L. (2003, 2022). Las Estructuras Elementales de la Violencia. Ensayos sobre género entre la Antropología, el Psicoanálisis y los Derechos Humanos. Prometeo. 

  • SEGATO, Rita Laura (2021), La guerre aux Femmes, Trad. Irma Velez et Alicia Rinaldy, Paris, Éditions Payot.

  • Tacium D. (1998). Le dandysme et la crise de l’identité masculine à la fin du XIXe siècle : Huysmans, Pater, Dossi, thèse de Philosophie, Département de littérature comparée de la Faculté des arts et sciences. En ligne : https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/bitstream/handle/1866/6745/these_front.html

  • Vigoya, M. V. (2018). Les couleurs de la masculinité. Expériences intersectionnelles et pratiques de pouvoir en Amérique latine. La Découverte.

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par Johanna WYKKA (mai 2022)

L'anthropologue féministe mexicaine Marcela Lagarde se présente sur Feministorias et évoque sa conscience critique, les modèles masculins de leaderships, l'inégalité des sexes face à la sexualité, et leur impact sur son parcours intellectuel, son engagement contre les violences faites au femmes propres au patriarcat.

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La traduction au Français par Hélène Bretin de l'oeuvre de Mara Viveros Vigoya chez La Découverte en 2022

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