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Ségrégation scolaire
 

Filmographie
  • Brisseau, J.C (réalisateur). (1988).  De bruit et de fureur [Film].  Jean Claude Brisseau.

  • Palcy E. (réalisateur). (1998). Le combat de Ruby Bridges [Film]. Marian Rees Associates; Walt Disney Television

  • Wood A. (réalisateur). (2004). Mon ami Machuca [Film].  Andrés Wood, Mamoun Hassan, Gerardo Herrero

  • Cantet L. (réalisateur). (2008). Entre les murs [Film]. Haut et Court, France 2 Cinéma, Canal+, CinéCinéma, France 2, CNC

  • Mention-Schaar M.C (réalisatrice). (2014). Les héritiers [Film]. Loma Nasha Films

  • Leclerc M. (réalisateur). (2018). La lutte des classes [Film]. Karé Productions; France 2 Cinéma; UGC; Orange Studio

  • Icard R. (réalisateur). (2016). Etats-Unis, le nouvel apartheid [Documentaire]. Nilaya Productions

  • Montero C. , Madrona D. (réalisateurs). (2018). Élite [Série télévisée]. Zeta Producciones

  • Hee-seung Y. (réalisateur). (2023). L’amour au rattrapage [Série télévisée]. Studio Dragon

Bibliographie

  • Ben Ayed Choukri, Poupeau Franck. (2009).  « École ségrégative, école reproductive », Actes de la recherche en sciences sociales,  (n° 180), p. 4-10.

  • Buisson-Fenet Hélène. (2005). « Laforgue Denis. La ségrégation scolaire : l'État face à ses contradictions», Paris : L'Harmattan

  • Felouzis Georges. (2003). « La ségrégation ethnique au collège et ses conséquences », Revue française de sociologie (Vol. 44), p. 413-447.

  • Felouzis Georges, Liot Françoise, Favre-Perroton Joëlle (2003). La ségrégation ethnique au collège .In: VEI enjeux, n°135. La discrimination ethnique. Réalités et paradoxes. pp. 123-135.

  • ° Felouzis Georges, Perroton Joëlle (2009). « Grandir entre pairs à l'école. Ségrégation ethnique et reproduction sociale dans le système éducatif français », Actes de la recherche en sciences sociales, (n° 180), p. 92-100.

  • ° Laforgue Denis (2005). La ségrégation scolaire : l’État face à ses contradictions, Paris : L’Harmattan

  • ° Martinache Igor. (2012).  « La ségrégation scolaire . Pierre Merle » , Paris, La Découverte, coll. « Repères », 128 pages,  Idées économiques et sociales  (N° 171)

  • ° Merle Pierre. (2012). La ségrégation scolaire. La Découverte, « Repères »

  • ° Payet Jean-Paul. (1998). La ségrégation scolaire. In: Revue française de pédagogie, volume 123. La violence à l'école : approches européennes. pp. 21-34.

  • ° Rey  Alain. (1992). Dictionnaire historique de la langue française

  • ° Conseil d’évaluation de l’école, Charousset Pauline, Monnet Marion et Souidi Youssef (2023) Ségrégation sociale en milieu scolaire : appréhender ses causes et déterminer ses effets, Document de travail 

  • ° Conseil national d’évaluation du système scolaire, Son Thierry Ly, Riegert Arnaud (2016). Mixité sociale et scolaire et ségrégation inter- et intra-établissement dans les collèges et lycées français

  • DEPP-MENJS, bureau des études sur les établissements et l’éducation prioritaire, Touhair Mustapha, Maugis Sylvain. (2021). Quels élèves fréquentent le même collège public que celui de leurs voisins les plus proches ? Une nouvelle approche de l’évitement scolaire et de ses conséquences sur la ségrégation entre collèges

Le Combat de Ruby Bridges (Euzhan Palcy, 1988)

États-Unis, le nouvel apartheid (Romain Icard, 2016)

Machuca (Andrés Wood, 2004)

La cour des miracles (Carine May et Hakim Zihouani, 2022

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par Ema Debenest et Camille Marcourt (février 2024)

La ségrégation est un terme dont l’étymologie latine « segregatio », nous renvoie à « séparation » et dont le sens premier d’après Alain Rey est « l’action de séparer », pour envisager une « pratique de l’isolement » (Rey). C’est un sens que Rey estime « didactique » qui prend donc une signification située selon que l’on parle de ségrégation raciale ou sociale. Avec l’étendu de l’usage de la locution « ségregation raciale » le terme a basculé dans l’usage technique et scientifique, en biologie et en géologie pour marquer « la séparation des phases d’un alliage » (Rey)

L’on parle beaucoup moins dans les dictionnaires du sens à donner à la locution « ségrégation scolaire » au point que Pierre Merle la présente comme un « phénomène peu perceptible mais puissant » (2012). En France, les chercheurs bourdieusiens n’ont eu aucune difficulté à distinguer l’ « école ségrégative » comme une école reproductive (Ben Ayed et Poupeau, 209) tout en observant « la complexification des modes de reproduction sociale par l’école » (Felouzis, Perroton, 2009).

Certains n’hésitent pas à démontrer que la ségrégation scolaire, « dans ses dimensions objective et subjective » est l’une des causes de la violence scolaire en la définissant comme « une différenciation des populations scolaires » au sein d’un « marché scolaire local » (Payet). Pour Denis Laforgue, cette ségrégation met d’ailleurs la responsabilité de l’État face à ses contradictions au regard des principes républicains qu’il affiche (2005).   

La ségrégation scolaire est notamment accentuée, en France, par des choix politiques tels que la réforme de 2007 sur l’assouplissement de la carte scolaire qui avait pour but de donner davantage de liberté aux familles dans le choix de l’établissement de leur enfant, et de corriger les contraintes résidentielles. En réalité, cela a conduit à des effets contrastés sur la mixité des établissements : la ségrégation aurait eu tendance à augmenter en fonction du nombre de dérogations accordées. C’est dans les territoires urbains et dans les zones où les collèges sont les moins éloignés que l’hétérogénéité sociale est la plus élevée (réf scient ?). C’est aussi dans ces territoires où cohabitent des populations socialement différentes que les stratégies d’évitement sont les plus fréquentes. Ce constat est particulièrement valable dans l’académie de Paris. Les familles dont les établissements scolaires pour lesquels leurs enfants doivent se rendre sont prioritaires conduisent à des stratégies de « contournements », ils font le choix d’un autre collège public que d’un collège privé.

Au cinéma le sujet n’est pas nouveau selon les pays et les traditions cinématographiques culturelles et industrielles, et la thématique de la ségrégation scolaire est très liée à celle de la ségrégation raciale de manière générale.

Le Combat de Ruby Bridges (Euzhan Palcy, 1988) illustre cette ségrégation scolaire basée sur le rattachement racial. Dans les années 60, Ruby Bridges est la première élève noire à entrer au CP dans une école primaire de Blancs. Les parents blancs refusent de mettre à l’école leurs enfants qui se retrouveraient donc dans la même classe que la petite fille noire. Une seule professeure décide de lui faire cours, et elle poursuit son parcours dans cet établissement, s’intégrant avec peine à ses camarades blancs. Dans États-Unis, le nouvel apartheid (Romain Icard, 2016) le réalisateur dresse un portrait documentaire de ce type de ségrégation scolaire.

Cette ségrégation scolaire émerge au cinéma comme une stratégie idéologique impliquant différents acteurs : les parents d’élèves et les acteurs du monde éducatif et/ou religieux autant que les politiques. Ainsi le montre le film chilien Machuca [Mon ami Machuca, Andrés Wood, 2004) par le biais d’une histoire qui retrace l’inclusion scolaire comme choix politique porté dans ce film par le père Mc Enroe, favorable à l’intégration des enfants pauvres et racisés issus des bidonvilles, dans son école urbaine au cœur de Santiago.  

En France, les élèves sont normalement scolarisés en fonction de leur lieu de résidence, ce qui, de fait reproduit une ségrégation sociale augmentée par la gentrification. Cependant, les familles recourent de plus en plus à des « stratégies d’évitement » pour scolariser leurs enfants dans d’autres établissements, qu’ils jugent meilleurs, plus prestigieux. L’évitement scolaire peut se faire en déclarant un déménagement ou par d’autres formes de dérogations à la « carte scolaire » dévolue à chaque résident selon son secteur de résidence. Ces techniques d’évitement augmentent de 10% le ségrégation ethnique dans les collèges (le fait d’avoir une majorité d’élèves d’une ethnie en particulier dans un établissement, alors que le quartier se fait plus mixte en termes de population) (source de ce %). Le contournement du collège public environnant modifie surtout le profil social des collèges les plus défavorisés socialement (référe,ce ?). Il a aussi pour conséquence une hausse de la ségrégation entre collèges (sources scientifiques de vos propos). Mustapha Touahir et Sylvain Maugis précisent qu’en France métropolitaine, « 65 % des collégiens sont scolarisés dans le collège public environnant ; 22 % dans un collège privé et 13 % dans un autre collège public (Année de la référence). Exemple de film sur l’évitement de la carte scolaire

C’est pourquoi l’on parle de ghettoïsation des collèges, c’est-à-dire de la concentration des enfants issus de familles défavorisées en un même lieu, ou à l’inverse de l’accueil très sélectif des élèves, souvent majoritairement issus de milieux très privilégiés. Le cinéma devient en ce sens l’expression d’une lutte des classes dont les parents sont, in fine, les premiers acteurs . “La lutte des classes” (Michel Leclerc, 2018) nous présente d’ailleurs un couple qui décide de laisser son enfant dans le collège public le plus proche malgré les avis des autres parents d’élèves, décidés à placer leurs enfants dans l’établissement privé “catholique”, car ils déclarent “vouloir ce qu’il y a de mieux pour leurs enfants”. Une sorte d’exode scolaire vers le privé se met ainsi en scène avec le témoignage de l’un des professeurs qui déclare: “si des gens comme vous quittent l’école on est foutu”. Ce cinéma s’inscrit dans une tradition française d’exploration des « collèges du cru » local, parfois présentés par des réalisateurs autrefois enseignants comme dans « De bruit et de fureur » de Jean-Claude Brisseau (1988)

Dans La cour des miracles (Carine May et Hakim Zihouani, 2022), il est question des stratégies mises en place par une école primaire pour éviter que les élèves ne partent “dans la nouvelle cité scolaire parisienne” et le film est d’ailleurs présenter comme un film sur la « mixité sociale ». Les parents apparaissent dans le film comme soucieux que leurs enfants fassent ce qu’il y a de mieux pour leur éducation. On y voit également une directrice en grande difficulté pour convaincre les familles de rester dans son école, d’autant plus qu’elle est en manque d’instituteurs.

Le cinéma français tend à venir nous rappeler que la ghettoïsation des collèges pourrait être évitée, par des politiques plus volontaristes au service d’une plus grande équité de traitement. On y retrouve des portraits d’enseignants confrontés à des territoires perdus de la République comment dans Entre les murs de Laurent Cantet (2008), autre cinéaste ayant grandi parmi des enseignants Ce film qui a reçu une palme d’or au Festival de Cannes de 2008 nous présente un établissement dont le bureau du chef d’établissement est rebaptisé « Guantanamo ». Certains de ces films portent en eux un espoir déversé dans les vocations d’enseignant•e•s dont les vocations permettent des dépassements, comme dans « Les héritiers » de Marie-Castille Mention-Schaar (2014)

Enfin et face à la puissance de diffusion des plateformes, reste à penser l’impact de cette ségrégation scolaire telle que reproduite intentionnellement dans nombre de séries, qu’elles soient coréennes (dans leur offre d'enseignants "les plus performants", comme dans L'amour au rattrapage) ou espagnoles (le prestigieux lycée fictif madrilène à Las Encinas, Élite) rares sont les pays qui échappent à ce nouvel engouement pour la course à la « réussite » du projet capitaliste sans passer par sa série culte en matière de ségrégation scolaire sous des genres cinématographiques et des traitements thématiques qui parlent pour les stratégies de banalisation du phénomène ici considéré. 

 

Entre les murs (Laurent Cantet, 2008

Serie Netflix Élite (Darío Madrona et Carlos Montero, 2018

Ressources didactiques pour comprendre ....             débatttre et agir !

Aller au-delà de la ségrégation scolaire (Fondation Roi Baudoin)

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