Inclusion

I. L'inclusion, des définitions situées

​

Selon le dictionnaire le Larousse, l’inclusion est « l’action d’intégrer une personne, un groupe et de mettre fin à leur exclusion (sociale notamment) » (Le Larousse en ligne, 14/01/2024). Il donne pour exemple « Les auxiliaires de vie scolaire [qui] ont pour mission de favoriser l’inclusion scolaire ». Cette définition contraste fortement avec l'étymologie du mot, puisque en latin « inclusion » signifie emprisonnement. Le sens premier n'apparaît en France qu' à partir du XIXème siècle. L’éducation nationale définit l’école inclusive en 2005 comme “permettant à des élèves de la maternelle au lycée, de suivre une scolarisation de qualité par la prise en compte de leurs singularités et de leurs besoins éducatifs”. L’inclusion concerne ici les personnes en situation de handicap moteur autant que  les étrangers. En effet, de nombreux projets ont permis leur inclusion comme l’adaptation des locaux pour les personnes à mobilité réduite, l’apparition d’AESH (Accompagnant des Élèves en Situation de Handicap), des traducteurs ou encore des restituteurs de notes… (Eduscol, 2005)

​

La Commission européenne, précise que  : « L’inclusion active consiste à permettre à chaque citoyen, y compris aux plus défavorisés, de participer pleinement à la société, et notamment d’exercer un emploi » (Commission européenne, 2024). 

​

Selon l’UNESCO, (Organisation des Nations unies pour l'Éducation, la Science et la Culture) « L' éducation inclusive s’efforce d’identifier et d’éliminer tous les obstacles à l’éducation ; elle œuvre dans tous les domaines, du programme d’enseignement à la pédagogie et à l’enseignement » (Unesco, 2023). Rappelons que la Convention de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement (1960), l’Objectif de développement durable 4 et le Cadre d’action Éducation 2030 travaillent activement sur l’inclusion et l’équité comme principes fondamentaux pour une éducation efficace (Convention de l’Unesco, 1960, page 6). 

​

L’inclusion reste donc au niveau national, européen et international un enjeu de justice social prioritaire aujourd’hui afin de garantir un accès équitable à l’éducation pour toutes et pour tous.

​

​

II. L’inclusion comme “pédagogie sociale émancipatrice” dans un contexte néolibéral

​

L’inclusion est un choix politiquement marqué. Dans l’ère néolibérale qui est la notre, elle est venue au soutien d’une politique de l’intégration multiculturelle qui se prévaudrait d’être au service de la participation économique, et de formes de bien-être qui seraient dans l'intérêt général.  Déjà en 1903, Dewey déclarait vis-à vis du système scolaire que :

The school is fundamentally an institution erected by society to do a certain specific work, - to exercise a certain specific function in maintaining the life and advancing the welfare of society. The educational system which does not recognize this fact as entailing upon it an ethical responsibility is derelict and a defaulter. (Dewey, 1909, p.58)

​

Paulo Freire met d’ailleurs l’accent sur l’importance du rôle de l’école et de la co-éducation avec tous les acteurs pédagogiques dans l’éducation émancipatrice de l’enfant ou de l’adolescent. Selon lui, l’école devrait permettre une “création d’une société moins perverse, moins discriminatoire, moins raciste, moins machiste que la nôtre ». En effet, l’école devrait prendre en compte l’environnement de chacun•e, afin de permettre une émancipation équitable pour tous les élèves. Pour Freire, l’école n’est pas simplement une institution qui permet une transmission de savoir, mais elle constitue bel et bien un tremplin d’émancipation possible. Pour cela, l’école se doit de prendre en compte les inégalités sociologiques, économiques, et culturelles de départ, afin de permettre un cadre éducatif fonctionnel. Si l’on considère, comme Edgar Morin, que « la notion riche d’adaptation signifie adaptativité, c’est-à-dire aptitude à s’adapter et à se réadapter diversement » (Morin, 1980, p.48) alors, par analogie, la notion complexe d'inclusion mesure l’"inclusivité", c'est-à-dire la capacité à s'intégrer et à être intégré au sein d'un collectif. Les politiques néolibérales s’affichent donc bien pensantes par une idéologie de l’inclusion qui traverse tous les secteurs d’activité, et notamment les plateformes culturelles, et le cinéma.

Lilliane Pelletier nous rappelle que l'éducation spécialisée trouve ses racines dans l'histoire de plusieurs pays européens dès le XVIIIème siècle. Son origine remonte aux expérimentations éducatives menées avec des enfants ayant des déficiences sensorielles tels que les sourds et les aveugles (Pelletier 2020, p. 11). En France et avant les années 1980, il n'y avait aucune remise en question du fonctionnement du système éducatif quant à sa capacité à prendre en considération la diversité des besoins individuels de chaque élève. La France en tant qu’ancien empire colonial n’avait pourtant pas une approche éducative inclusive mais plutôt assimilationniste. Comme le souligne le sociologue Michel Wieviorka : 

La version française du débat sur la différence est largement dominée, depuis la fin des années 80, par les tenants d'un « républicanisme » qui oscille entre assimilationnisme et tolérance et accuse ceux qui sont favorables à la reconnaissance et à un multiculturalisme tempéré de faire le jeu du communautarisme, par naïveté ou par ignorance. (1998, p. 251)

​

Ce n’est qu’au XXIème siècle que la France envisage, via la loi du 11 février 2005, à intégrer les élèves en situation de handicap dans des établissements d'enseignement ordinaires, avec une préoccupation d'accessibilité et d'équité. De plus, la considération de chaque élève dans sa singularité, énoncée par la loi de Refondation de l'école en 2013, établit une école inclusive basée sur l'égalité des chances et l'intégration de tous au sein de la communauté éducative.

Lilliane Pelletier pose l'interrogation cruciale qui parcourt certaines représentations cinématographiques portant sur l’inclusion : Est-il suffisant de décréter l’inclusion pour qu’elle soit pédagogiquement effective – et efficace – sans interroger la question des moyens nécessaires à sa réalisation ? (Pelletier 2020, p. 11). Les travaux de Pelletier distinguent les manques et les obstacles à une école inclusive dans dans une approche systémique à un niveau macro, meso et micro social concluant.

​

​

III. Quid de l’inclusion ailleurs ?

L'inclusion, est nécessairement considérée différemment en différent lieux. Au sein même de l'Europe des différenes notoires se distinguent d'un pays à l'autre en fonction des traditions et des pratiques culturelles liées au sens de l'hospitalité, mais pas uniquement. La France est souvent citée comme étant très en retard alors même que l'âge de l'intégration scolaire en France a longtemps été parmi les plus jeunes d'Europe, même si le gouvernement s'efforce de faire connaître des pratiques différentes selon les pays.

En France, l’inclusion "républicaine" passe par des notions ou principes circulant tels que la “remédiation pédagogique” ou encore “l’enseignement d'adaptation”, voire "l'explicitation", qui renvoient à un découpage ou des "méthodes" supposées favoriser l'intégration, pas toujours l'inclusion.

Dans certains pays on déclare ouvertement, comme dans le cas de l'Algérie en 2023, qu' « Aucun projet de formation des enseignants en matière de pédagogie d’intégration ou d’inclusion scolaire n’existe pour les enfants handicapés » (Ministère de l’Education National Algérien, 2023). Ce n’est qu’en 2019 que fut élaboré un plan de formation englobant les thématiques telles que « l’autisme, le handicap mental léger, accompagnement social et langue des signes ». 

Dans les pays assumant une histoire nationale comme étant le fuit de l'immigration, comme les États-Unis, ou le Canada, l’inclusion est bien entrée dans les mentalités. En effet, ces pays proposent une éducation adaptée à tous, pour l’enfant comme pour l’adolescent. Ainsi, ils leur permettent de développer les compétences à leur rythme afin qu’iels puissent par la suite s’intégrer dans une société pluraliste. Les enfants handicapés sont aussi protégés par des lois notamment celle de l’éducation, et ce, depuis deux bonnes générations déjà :

“la Ley para la Educación de los Individuos con Discapacidad (IDEA, por sus siglas en inglés), aprobada en 1975, que establece la educación especial para niños con discapacidades en territorio estadounidense y permite la intervención temprana para su buen desarrollo” (Diarios las américas, 2023)

Au Mexique, l’éducation inclusive à mis du temps à voir le jour face au racisme endémique que le colonialisme puis la colonialité ont enkysté. Aujourd'hui les autochtones ont un plus grand accès à l'éducation et les élèves en situation de handicape se voient obligés de suivre un cursus dans des classes ordinaires, non adaptées à leur besoins spécifiques bien qu’ils soient pris en charge par une « Unité des services de soutien à l’enseignement ordinaire » (USAER, 2021). 

Les cas de figure sont aussi variés qu'il existe de pays mais en Europe des données sur l'inclusion  dans les écoles ordinaires ou spécialisées sont récoltées annuellement afin de pouvoir mesurer les écarts  entre pays, qui restent encore importants.

​

​

IV. L'inclusion au cinéma

Dans le cinéma portant sur l’éducation, l’inclusion est représentée dans de nombreux films et de manière plus engagée et moins discriminante depuis quelques années. Basé sur un roman du même nom de François Bégandeau, Entre les murs (Laurent Cantet, 2008) fait partie des films les plus touchants dans lequel l’inclusion est abordée. Récompensé par la palme d’or en 2008 au Festival de Cannes, ce film raconte l'histoire d'un professeur de français et ces élèves dont l'un est étranger, Souleymane. Le film explore les dynamiques sociales et culturelles au sein de la classe, mettant en lumière les défis auxquels les

​

Adapté du roman à succès éponyme,de R.J. Palacio en 2012, Wonder (Stephen Chobsky, 2017) est un film nord-américain qui invite à s’interroger sur la tolérance, l’acceptation et l’inclusion de l’autre dans le système scolaire. En effet, le film raconte l’histoire d’un jeune garçon atteint de difformités faciales dû à de nombreuses opérations indispensables à sa survie. Il entre alors pour la première  fois à l'école primaire et doit faire face aux regards des autres qui sont souvent violents. Cependant, avec l’aide de sa famille et de certains camarades, ce jeune garçon arrive à poursuivre sa scolarité.

​

Conducta (Ernesto Daranas, 2014) est un film cubain qui se penche sur l'accompagnement offert à un jeune élève issu des milieux défavorisés de la Havanne, nommé Chala. Il doit prendre soin de sa mère qui se drogue et survivre comme il le peut. Cependant, une vieille institutrice cherche à le protéger et tente à tout prix de l’inclure dans une société où le droit chemin est de mise pour éviter la prison.

​